Pour préserver son avenir, l'Etoile licencie 3 salariés
18 avr. 2018 17:54:00 dans Pro B
Fleuron du sport ardennais et présent depuis 2003 au haut niveau français (10 saisons en Pro B et 5 exercices en Nationale 1 ), l'Etoile qui a perdu plus de 200.000 euros de subventions départementales en l'espace de 3 ans est, aujourd'hui, en péril financier suite à une nouvelle baisse de 78.000 euros du Conseil Départemental. Le club a donc entamé une procédure de licenciement envers trois de ses cinq salariés.
En février dernier, lors du débat d'orientation budgétaire du Conseil Départemental, les élus annonçaient que les aides accordées au sport de haut niveau allaient baisser de façon drastique. Le 27 mars 2018, la sanction tombait et les dirigeants de l'Etoile apprenaient que la dotation du club passait de 210.000 euros à 132 000 euros. Soit une perte de 78.000 euros !
Un énième coup de bambou pour le staff du club carolo qui, en l'espace de trois ans et sans la moindre explication, a perdu plus de 200.000 euros de soutien de cette collectivité alors qu'elle évoluait pourtant au même niveau sportif. De quoi se poser de sérieuses questions sur les décisions de nos élus...
"C'est en tout cas un gros frein et un sérieux coup d'arrêt pour le club" a vite affirmé Luc Torres.
Accueillie avec stupeur et stupéfaction, cette dernière sentence l'a d'ailleurs amené à tenir une conférence de presse ce matin pour tout poser sur la table et mettre au clair un certain nombre de sujets.
Durant une heure, le président de l'Etoile, élu et non salarié, qu'on a senti très affecté par la décision prise par le Conseil Départemental a évoqué de façon tout à fait transparente un contexte qui met en danger la pérennité d'un club mythique qui fait partie du patrimoine sportif ardennais.
"UNE VERITABLE OPERATION DE DESTRUCTION".
Voilà comment Lus Torres, d'habitude très (trop ?) mesuré, a exprimé les raisons de la colère.
"La situation du club n'est pas au mieux surtout depuis qu'on est contraints de faire face au dernier désengagement conséquent imposé par le Département. Cet énième retrait qui n'est pas supportable a été le point déclencheur car il a de lourdes conséquences sur la gestion du club. Pour préserver notre avenir et éviter des difficultés la saison prochaine, le bureau du club a donc dû entamer une procédure de licenciement concernant trois de nos cinq salariés (*). Pour compenser la baisse des aides départementales, on n'avait pas d'autres choix que de réduire nos effectifs.
Ce qui veut aussi dire que l'Etoile va être dans une situation délicate pour se développer. J'avais signifié ce risque à la collectivité mais je n'ai pas été écouté ni accompagné. J'estime que c'est un manque de reconnaissance et de considération. Depuis trois ans, on a tout de même subi une perte de plus de 200.000 euros. Dans ces conditions, je ne vois pas comment on peut continuer de s'en sortir au niveau qui est le nôtre. J'appelle cela une véritable opération destruction. Il est regrettable qu'on nous impose des choses sans faire un audit de notre situation".
Ebranlé par la décision départementale, Luc Torres déplore que "la collectivité ne dispose pas d'une feuille de route claire comme celle par exemple de la Région Grand Est. Cela nous aurait évité de savoir deux mois avant la fin de la saison à quoi on était réduit pour la prochaine campagne".
ECLAIRCISSEMENTS.
Pour faire taire les détracteurs, Luc Torres a aussi tenu à faire certaines précisions.
Primo : "Je tiens ici à dénoncer tous les ragots annonçant que l'Etoile allait déposer le bilan. Beaucoup de gens se sont gargarisés de faire colporter ces rumeurs nauséabondes. Ils n'attendaient peut-être que ça. Mais je l'assure ici : aujourd'hui, l'Etoile n'en est pas là même si le contexte est difficile. Nous allons faire du mieux qu'on pourra pour redresser la situation mais ça ne dépendra pas que de nous".
Secondo : "j'affirme aussi que les paies de l'ensemble des salariés de l’Etoile ont été versés en temps et en heure".
A LA DIETE.
Pour assainir la situation compte-tenu de cette coupe budgétaire dont l'impact financier a surpris les dirigeants comme les supporters et sponsors du club, l'Etoile a dès maintenant été amené à une cure d'austérité. Lors des derniers matches à domicile, le club du chef-lieu va donc faire avec les moyens du bord en supprimant des prestations dans les domaines de la sonorisation et de l'éclairage. "C'est fini, on a arrêté pour faire des économies" a dévoilé le "prési" qui avait déjà passé le budget transport du club de 150.000 à 65.000 euros.
CONCURRENCE.
"On nous met en permanence en parallèle avec les Flammes Carolos. Le club voisin a prêché et fait un véritable lobbying depuis quatre ans pour inciter à la baisse de nos subventions. Je ne pardonne pas ce type de procédé.
Pour moi, la LFB et la Pro B ne sont pas comparables mais personne ne veut l'entendre ainsi. Même si je reconnais les résultats exceptionnels des Flammes, je ne peux m'empêcher de penser que la Pro B est un championnat beaucoup plus élevé où il faut se bagarrer jusqu'à la fin pour laisser deux clubs derrière et se maintenir et où la plupart des rencontres se jouent par un écart minimum. La difficulté d'exister dans une telle compétition est beaucoup plus importante.
J'ajouterai que l'impact de l'Etoile à ce niveau est nettement supérieur à celui apporté par le FCBA dans sa propre ligue. La Pro B c'est 18 équipes et 750.000 spectateurs. Contre 12 clubs et 200.000 spectateurs à l'année en LFB. L'Etoile est donc plus représentative pour les Ardennes. C'est la vérité et la réalité du terrain, et ce n’est pas être sexiste que de dire cela.Et il est dommage que nos élus ne prennent pas en cause ces considérations. Voilà pourquoi, je ne comprends pas les propos de Noël Bourgeois qui se félicite d'avoir enfin rétabli la situation entre les deux clubs carolos".
LA MANNE PUBLIQUE.
Outre le Département (132.000 euros , l'Agglomération (240.000 euros) (**) et la Région (150.000 euros) , l'Etoile disposait de 42.000 euros de droits télévisés.
(**) De la part de l'Agglomération, L'Etoile a subi une baisse de sa subvention de 20.000 euros en 2017 comme en 2018, liée aux charges de l'Arena. "Par ailleurs, lorsque "Coeur d'Ardenne" a été créé, on nous avait promis 300.000 euros d'aide. Aujourd'hui, on est loin de qu'on nous avait vendu à l'époque de la création des intercommunalités".
SENTIMENT.
"Je défends mon territoire, ma ville, mon sport et mon club. Mais si on ne veut plus qu'un seul club de haut niveau à Charleville-Mézières, qu'on nous le dise. Sans faire Calimero, c'est en tout cas un peu le sentiment que j'ai aujourd'hui. Mais je n'ai pas envie d'être résigné. La politique de l'autruche ne m'intéresse pas.".
MUTUALISATION.
La Région a récemment provoqué une réunion pour arriver à ce que les deux clubs carolos mutualisent certaines dépenses. Luc Torres a clairement donné sa pensée sur le sujet.
"Ca fait cinq ans que je le demande et je n'attends que cela. Car je pense qu'il y a des économies d'échelle à faire. C'est d'ailleurs une des premières choses à laquelle je me suis consacré en devenant président de l'Etoile en 2012. A l'époque, j'ai demandé un entretien avec le bureau des Flammes. Celui-ci a duré quinze minutes. On m'a dit que l'Etoile devait s’occuper de la formation et le FCBA du monde professionnel. Et comme cette année-là, on montait en Pro B, la discussion a vite été écourtée. Depuis, on en est malheureusement au même point".
TOUR DE FORCE.
Dotée depuis sa remontée en Pro B en 2014 du plus petit budget et de la plus faible masse salariale du championnat, l'Etoile a jusqu'à l'exercice en cours toujours su faire face avec courage, aplomb et beaucoup de savoir-faire à une adversité aux moyens financiers autrement plus élevés. Comme Marseille, Nantes, Lille, Le Havre, Orléans Caen, Nancy d'ont les populations vont de 100.000 à 800.000 habitants.
Et malgré une baisse d'année en année de son aide départementale, les Carolos sont parvenus ces quatre dernières saisons à se maintenir en Pro B et même à se qualifier, la saison passée, pour les playoffs de fin de saison. Un véritable tour de force qui ne lui a guère valu de reconnaissance de la part des élus ardennais, Si ce n'est des diminutions régulières de ses dotations....
UN AUTRE ROLE IMPORTANT.
Outre ses brillants parcours sportifs en Pro B, l'Etoile est aussi un club qui se distingue par ses actions sociétales sur le territoire. D'abord à travers l'accueil de 376 licenciés dans toutes les catégories de jeunes_ "on est le plus gros club champardennais dans ce domaine" _ mais aussi à travers des missions de service publics tels que l'ouverture d'un Centre Génération Basket ouvert à 3000 jeunes rien que depuis sa naissance, la création d'une section handibasket et les différentes actions pour lesquelles le club est sollicité par les collectivités, écoles et associations diverses.
"Autant de missions qui vont aussi être dans la balance dans six semaines au moment où nous aurons à décider de notre avenir. Et il n'est pas sûr que nous continuerons à assumer toutes ces opérations" a prévenu le président.
Enfin, l'équipe de Prénationale, composée de 80 % de joueurs ardennais formés au club, va prochaine jouer la montée en N3.
SAGA.
Depuis 2003 et l'accession du club en N1, l'histoire de l'Etoile avec le haut niveau n'a pas toujours été un long fleuve tranquille compte-tenu de ses moyens financiers limités. Mais le club ardennais aura tout de même fait vivre de superbes moments à ses supporters avec les deux qualifications en playoffs d'accession en Pro A en 2009 et 2018, la participation à deux Final Four de Nationale 1 à Souffelweyersheim en 2012 et à Angers en 2014 débouchant sur des montées en Pro B.
Sans oublier les jolis exploits signés contre des cadors du basket français : Antibes, Nanterre, Boulazac, Saint-Quentin, Bourg-en-Bresse, Limoges, Le Portel, Roanne, Nantes, Hyères/Toulon, Blois et Orléans.
Va-t-on zapper d'un coup tous ces bons moments d'aventures sportives ardennaises ?
GABEGIE.
Si on on ne peut pas rester insensibles aux raisons évoquées par le Conseil Départemental par rapport à ce que l'Etat lui a ingurgité dans le domaine des affaires sociales, on ne peut pas non plus oublier les nombreuses boulettes commises par la collectivité dans des dossiers qui ont beaucoup impacté les contribuables sans résultats tangibles sur le terrain. On nommera ici le chantier de la Madef qui aura coûté 15 millions d'euros sans la moindre réalisation effective, la construction d'un bâtiment devant accueillir un centre d'appel toujours sans occupant à Villers-Semeuse, le feuilleton sans fin du circuit de Regniowez ou encore l'éparpillement à tous les coins des Ardennes des zones d'activité économiques. Autant de dossiers qui ont nécessité des dizaines de millions d'euros... Les 100.000 euros manquant, aujourd'hui, à l'Etoile paraissent alors bien minces...
Pascal REMY
(*) Luc Torres n'a pas voulu préciser quelles étaient les personnes touchées par la procédure en cours. L'Etoile possède actuellement cinq employés : une secrétaire, une chargée de marketing, un commercial, un contrat aidé s'occupant des équipes amateurs et un poste de manager générale. En plus des douze contrats liés à l'effectif pro.
"JE CROIS ENCORE AU MAINTIEN"
Revenant à la partie sportive et à la fin de saison de l'Etoile, Luc Torres s'est voulu confiant malgré la dix-huitième et dernière place actuelle de l'Etoile.
"On a une saison à terminer et un objectif de maintien qui, pour moi, reste atteignable. Contrairement à ce que beaucoup prétendent, il y a encore possibilité de se sauver. Il reste six matches dont quatre à domicile. Alors, tout est envisageable. Moi, j'y crois et je l'ai dit aux joueurs. Le challenge me paraît jouable. On est tous concentrés là-dessus. C'est tout ce qui m'importe. Et d'ici le 18 mai, je ne parlerai plus que de l'aspect sportif. Nous sommes tous derrière nos joueurs pour relever ce défi. Tant que tout reste possible mathématiquement, on entend se battre pour survivre".
A l'occasion de ce point-presse, le président a avoué que "sportivement, cette saison avait été très difficile en raison des résultats. Ce fut horrible car on a tout eu. Il a d'abord fallu assumer l'annonce de nouveaux frais avec l'instauration d'un troisième arbitre et de la vidéo. Et cela a pesé aussi sur nos finances comme les ajustements opérés au sein de l'effectif en raison des erreurs de casting et aussi de l'érosion des affluences ".
Enfin, répondant à une question d'un journaliste, Luc Torres a affirmé qu'il ne lâcherait pas le bateau". "Je ne suis pas du genre à m'arrêter en chemin. J'irai au maximum de ce que je peux faire ne serait-ce que pour les 400 licenciés du club".
P.R.